Jeunesse sacrifiée

L’insécurité sociale, le mal endémique du sarkozysme, engendre toutes les autres formes d’insécurité. Les jeunes sont les premières victimes. 13/02/2010 Par Jean-Emmanuel Ducoin Malgré le fiasco d’un pseudo-débat sur « l’identité nationale », qui aura réveillé les pires démons de la fange néonationaliste, malgré la dramatique statistique annoncée hier qui nous apprend que la France a connu en 2009 « la pire récession depuis 1945 », malgré le chômage de masse et l’accumulation par centaines de milliers de personnes en « fin de droits », l’agenda idéologique imposé par Nicolas Sarkozy, comme si de rien n’était, poursuit son travail de sape. Implacable logique de division. Les faits sont pourtant têtus. Et les concomitances rarement innocentes. Depuis une dizaine de jours, trois sujets importants occupent l’espace politique. En apparence, ils n’ont rien en commun… Ils ont au contraire tout à voir. Quelle est en effet la pierre angulaire entre la lutte des personnels enseignants de l’académie de Créteil, les nombreuses et scandaleuses gardes à vue d’adolescents, et l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi dit Loppsi 2, autorisant les préfets à instaurer dans les communes un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans ? La jeunesse. Toujours la jeunesse. Victime désignée. Ne voyez aucun hasard à ce tremblement du calendrier. Depuis toujours Sarkozy se méfie de la jeunesse, jusqu’à l’obsession du tout-sécuritaire qu’il érige insidieusement à tous les échelons de la société. Néanmoins, le prince président ferait bien de se méfier de la révolte partie du lycée Adolphe-Chérioux, à Vitry-sur-Seine, à la suite de l’agression d’un élève. Hier, les enseignants concernés ont décidé de poursuivre l’action et ont même réclamé un débat télévisé avec le ministre de l’Éducation, Luc Chatel, afin d’obtenir des moyens humains. Comme une traînée de poudre, le mouvement s’est d’ailleurs étendu au grand Est francilien, rejoignant celui de plusieurs établissements de Seine-Saint-Denis déjà en ébullition. Leur revendication à tous ? L’arrêt de la saignée des effectifs : 16 000 postes supprimés pour la rentrée 2010, plus de 50 000 depuis 2007 ! A-t-on seulement idée des conséquences de ces statistiques macabres ? Au lycée Chérioux de Vitry, elles tiennent en quelques chiffres, eux aussi éloquents : 1 500 élèves, 40 hectares à gérer… 11 surveillants ! Telle est la France d’aujourd’hui. L’insécurité sociale, qui engendre directement ou indirectement toutes les autres formes d’insécurité, est le mal endémique du sarkozysme. Chacun le sait : les premières victimes, pour la plupart dans les ZEP, sont les jeunes eux-mêmes. Pour eux, c’est même souvent double, triple, quadruple peine… Après avoir supprimé la carte scolaire, accélérant la cristallisation des poches de « ghettoïsation » ou se concentrent toutes les inégalités, le gouvernement reste évidemment sourd à toutes les revendications nées d’une épouvantable dégradation des conditions de travail. Sourd, sauf bien sûr aux velléités ultradroitières de sanctuarisation des établissements scolaires transformés en bunker à l’américaine. Moins d’hommes et de femmes pour l’éducation, les enseignements, la gestion des souffrances et des difficultés. Mais des caméras en pagaille pour la surveillance et le flicage, installées de surcroît par des sociétés privées… Voilà la promesse de notre « à-venir » commun en Sarkozye. Selon que vous soyez ou non du bon côté du mur social, l’éducation favorisée pour les uns, sacrifiée pour les autres… couvre-feu et gardes à vue en prime.
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